La simplification administrative : le droit à une meilleure compréhension
Par M. Strauss
Depuis le 1e​r janvier 2019, le Conseil d’Etat fait peau neuve et adopte un style beaucoup direct dans les décisions qu’il rendra dorénavant. Il en va de même pour les Tribunaux Administratifs et les Cours administratives d’appel. Il s’agit inéluctablement d’une bonne nouvelle pour les citoyens qui seront plus à même de comprendre les décisions rendues par les juridictions administratives.
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C’est dans un communiqué du 10 Décembre 2018 que le Conseil d’État lui-même avait annoncé l’abandon pur et simple d’expressions désuètes à l’instar d’ « ​ultra petita ​» ou « ester en justice »â€‹ . De même, les décisions du Conseil d’État seront dépourvues de phrases trop longues, ce qui mettra un terme aux fameux points-virgules, qui rythmaient jusqu’ici chacune des décisions du Conseil. Comme le souligne à juste titre le Palais-Royal, ​« dans un souci de lisibilité, les termes qui n’appartiennent pas ou plus au langage usuel ne sont pas employés, sauf lorsque leur usage est indispensable à une expression plus exacte et élégante ». A​ utrement dit, les juristes de 2019 doivent dès à présent faire leurs adieux aux « considérant que », formule qui était utilisée à chaque début de paragraphe depuis la création du Conseil d’État en 1799.
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Une meilleure lisibilité des décisions
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Concrètement, le Conseil d’État donne pour consigne stricte aux rédacteurs des décisions. En outre, les termes étrangers ou latins devront être proscrits au profit d’équivalents courants de la langue française. Mais la juridiction administrative suprême va plus loin en ce sens que les décisions rendues devront comporter des paragraphes courts, d’une demi-page maximum. Le Palais-Royal incite vivement les rédacteurs à adopter une mise en pages éclairée en introduisant les moyens des parties par des tirets et à organiser les décisions attaquées dans la même requête par des titres et des sous-titres.
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Il va de soi que la présentation des motifs des requérants doit s’inscrire dans un esprit d’intelligibilité. Comme le précise le vade-mecum du Conseil d’État, le rapporteur n’est pas lié par l’ordre dans lequel les parties soutiennent leurs arguments et leurs motifs. Il appartient cependant au rapporteur, d’amener une réelle cohérence et une fluidité au raisonnement juridique de l’ordre qu’il choisira d’adopter en dernier lieu.
De même, la lecture du raisonnement du juge administratif doit également être accessible à tous. La rédaction des décisions ne doit plus suivre une démarche purement explicative marquée par des locutions adverbiales comme « en effet », mais davantage s’inscrire dans une logique intuitive, afin de respecter un esprit de cohérence.
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Une bonne nouvelle pour les citoyen​s
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Une chose est sûre, les citoyens pourront comprendre beaucoup plus facilement les décisions des juridictions administratives. Plus encore, ils pourront très certainement mieux se protéger face à l’administration en ce sens que les citoyens pourront bien mieux invoquer les jurisprudences du Conseil d’État pour des situations particulières. Aux yeux de Maitre Florian Borg, « l​a démocratie, c’est que, quel que soit l’enjeu, on puisse comprendre la décision ». D​ès lors, il apparaît certain que si les citoyens connaissent mieux le droit, alors ils pourront en tirer un meilleur bénéfice.
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Cependant, il ne faut toutefois pas que les décisions du Conseil d’État deviennent expéditives et moins précises qu’elles ne l’étaient jusque-là. Autrement dit, il faut impérativement éviter que les décisions rendues soient trop courtes, notamment dans des contentieux de masse tels que le droit au logement ou le droit des étrangers. Quoiqu’il advienne, l’explication de la motivation doit demeurer la règle.
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La simplification des décisions du Conseil d’État marque un vrai tournant dans l’histoire de la juridiction administrative. L’effort de modernisation de l’institution doit être salué.
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