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Qui tient les commandes de la langue française ? 

A.Pasternatzky

Que ce soit lors d’une discussion, lors d’un débat, à la lecture d’un nouveau livre ou à l’écoute d’un intellectuel à la télévision, il est toujours ce moment où le mot prononcé n’a pas d’écho dans nos oreilles. Par réflexe sécuritaire, le geste est toujours le même : le dictionnaire sort de son étagère poussiéreuse et nous livre ses lumières. Notre confiance inébranlable en cet outil doit nous mener à une interrogation : qui a décidé du sens du mot trouvé? Suite au rapport de l’Académie Française instaurant la féminisation des fonctions il y a quelques semaines, la Tribune mène l’enquête sur les big boss de la langue de Molière.

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Si l’article 2 de la Constitution rappelle que la langue de la République est le français, aucune compétence n’est donnée aux pouvoirs publics en matière linguistique. Certes, l’Etat développe une politique linguistique visant l’enrichissement de la langue, l’accessibilité du langage administratif, ou encore des politiques d’intégration et de cohésion sociale.

La loi Toubon du 4 août 1994 avait pour but de fixer certains termes linguistiques. Cependant, le Conseil Constitutionnel n’a manqué d’intervenir pour rappeler que ce n’est pas à une loi de fixer le vocabulaire et la terminologie devant être utilisés par les particuliers. L’Etat dispose depuis compétence pour la linguistique des seules personnes publiques. Qu’en est-il des institutions ?

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La toute-puissance symbolique de l’Académie Française

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Depuis 1635, les Immortels se réunissent sein du Collège du Français en tenue d’apparat dans le but de : « contribuer à titre non lucratif au perfectionnement et au rayonnement des lettres, des sciences et des arts ». Nul doute que cette institution sous la protection du Président de la République est composée des plus grands intellectuels français. Leur dernier rapport ouvrant les portes à la féminisation des fonctions a su faire écho dans les médias.

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Cependant, il semble que l’Académie Française ne dispose d’aucun pouvoir normatif pour régner sur la grammaire française, sauf pour la publication au Journal officiel d’équivalents francophones correspondant à des termes techniques étrangers. Il leur revient le droit de rendre des rapports sur la langue française mais en aucun cas d’en décider. Preuve en est que la dernière édition de leur dictionnaire date de 1992. La langue française serait-elle aux mains des dictionnaires privés ?

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Les dictionnaires : la langue française entre les mains des époques

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Si les mots du dictionnaires y sont, c’est parce qu’un comité en a décidé ainsi à chaque ré-édition des dictionnaires. Les grands patrons de Larousse ou du Petit Robert expliquent qu’ils effectuent des enquêtes de terrain, des entretiens et organisent des votes pour chaque nouveau mot trouvant sa place dans les milliers de pages de la bible linguistique.

Leur credo : « ​instruire tout le monde et sur toute chose ​» d’après Pierre Larousse. Les éditeurs ont conscience que les néologismes et les nouveaux mots sont primordiaux pour permettre aux dictionnaires d’être adaptés aux époques. Ils n’hésitent pas à rajouter plus d’une centaine de mots par an afin que le dictionnaire soit « ​chaque année une photographie de l’évolution de notre société ​».

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Il apparaît que ce sont en pratique les société d’édition des dictionnaires qui décident du sens des mots et de leur terminologie pour que les français puissent toujours mieux comprendre leur langue.

Les génies l’avaient déjà écrit : « ​La langue de Montaigne n’est plus celle de Rabelais, la langue de Pascal n’est plus celle de Montaigne, la langue de Montesquieu n’est plus celle de Pascal. Chacune de ces quatre langues, prise en soi, est admirable, parce qu’elle est originale. Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ses idées ​». ​Victor Hugo - La préface de Cromwell

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